Déclaration d'amer



Le ressac de son âme le faisait chuter bas.
Il s'endormait en peine dans son lit toujours froid.
Quand il rêvait,
C'était de regards fades,
De mots pailletés, ethyliques,
De verbes plats, de sofas trop profonds
Et de lui au milieu de la pièce,
Pantelant et hagard, légèrement disloqué, ahuri;
Et on le raillait alors, car il faisait bon railler
C'est là qu'il se réveillait.
Il n'avait même plus soif des journées à venir
Qui s'annonçaient bêtes à pleurer.
Et il pleurait alors car il faisait bon pleurer.

Qui pleure aujourd'hui?
(Déclaration d'amer).

Je vends des soliloques flétris, des breloques d'ennui
Au dernier cours du prix croissant de la déprime:
Des yeux gonflés de vide, le désir aboli,
Une gomme à effacer les sourires,
Du vent dans l'âme et le corps lourd.

Souffrez de ma calligraphie ceintes des lourds cheveux des mortes.
Embrassez les pâles lèvres de mes phrases à peine noyées, humides.

Il était une fois, une nuit, une fenêtre,
La gouttière, le balcon, le doigt sur le carreau
Et dix-neuf heures de fossettes et de poésie.
Mais la nuit avait mal commencé, pensez donc: un balcon!
J'ai déjà mentionné le sort des amoureux illustres.

Comment vous dire?
Je ne crois plus en Dieu,
Je suis trop maigre,
Il ne peut pas tenir en moi;
Et puis
La recette de l'hostie est connue par tous les boulangers.
L'Evian pure et équilibrée
Déclarée d'intérêt public,
Décret
Du 25/ zéro-six/ mille-neuf-cent-vingt-six,
Remplit les bénitiers.
La croix du Christ sert à additionner les nombres entiers
(ainsi que les décimaux relatifs et les irrationnels).
Alors vers qui, vers qui puis-je me tourner
A l'aube du vingt-et-unième siècle
Après Jicé?

Je vois dans mon futur des tas de comédons
Et de désillusions en désespoirs ma vie est un chemin qu'on vexe.
Pourtant- par tous les temps.
Te souviens-tu de ce café où nous nous rencontrerons?
Nous y étions allés un jour où le temps sonnera faux.
Nous serons face-à-face et je t'ai pris la main.
Tu m'as regardé, peu désapprobatrice, et je te dirai les mots qu'il faut.
C'était un vieux café, un soir prochain où noctambules nous allons
Par tous les chemins de la ville.

Mais non!
Je suis perdu, égaré;
J'ai mal au soir, à la nuit, à l'histoire.
Bas les masques! Retour du désespoir
Et de ses allitérations en noir.

Mes amours ont ce goût d'amende commun à l'arsenic.
L'amertume m'irrite la commissure des lèvres,
Les baisers ont perdu leur divin velouté.
Le nectar de l'amour que je crois disparu
Je le recherche en toi.
Mon coeur s'est asséché,
Quelqu'un quelque part a du oublier de le fermer
Réapprends moi le doute,
Le goût sacré/salé des larmes,
Les sentiments perdus.
Apostrophe mes sens, redonne moi l'ivresse,
Accorde ma détresse à l'unisson de celle que je devine en toi.
Rends solide mon épaule en t'appuyant sur elle,
Sois mon intransigeant objet d'amour.
Faut-il dire s'il te plait?
Est-ce si difficile?
Ite missa est, requiem pour une apostille.

Mes yeux sont des éponges que je n'ose presser,
J'ai dans le corps un violon torturé,
Quant à mon âme?
Je l'ai depuis longtemps vendue
Contre un baiser, un ami ou un vers,
Je ne me souviens plus

Mon calvaire quotidien est également le vôtre,
Je vis ployé, sinistre,
Comme vivent les souris des laboratoires,
D'une expérience à l'autre,
En espérant la prochaine fatale.

Dis-moi mademoiselle du balcon,
Tu veux être ma drogue, mon amphétamine,
Mon halucinogène?
Tu veux bien me rappeler sans cesse
La guerre des moutons et des roses,
Les sons de toutes les flûtes du monde,
La couleur des bulles de savon?
Dis tu veux bien?
Dis tu veux bien?

Dis tu veux bien?

J'ai escladé Notre-Dame, ai pleuré entre les gargouilles,
Ecris mon nom et ceux de ceux que j'aime
Au coeur du sacré.
Ce n'était pas un sortilège
Mais j'aurais tant voulu tomber
Eclater sur le pavé,
Bouillie de sang et de sourires
Mais non!
Je suis redescendu vivant.
Et dans la rue les gens étaient encore plus laids.

Ce sont tous des passants, nul ne s'arrête,
Personne ne sait plus voir ou entendre.
A par nous, puisque vous me lisez
(Ce qui montre que vous avez du temps,
Du temps à perdre ou à donner).

Et là, je vous prends à parti:
Il faut aimer!

Faites-le savoir à travers les rebondissements de vos rendez-vous d'écriture,
Vous avez bien le temps

Et tant-pis si quand vous voulez l'embrasser
Elle se met à sucer son pouce

Et tant-pis si vous aimez l'amour
Plus que vous ne l'aimez.

Et tant-pis si vous n'aimez que vous,
C'est déjà ça.

Et puis arrêtez de me fixer comme une bête étrange!

Je ne crois pas en Dieu,
Je ne crois plus en moi.
Mais j'aime,
J'aime.


Guillaume Clifford