Une fois, nous roulions en carrosse. Elle s'était mariée le jour même à un riche seigneur. J'étais le page boiteux, qui bégaie et, prétextant quelque migraine, elle avait demandé qu'on la laissât seule avec moi, pour que je puisse lui réchauffer la plante des pieds de mon haleine. Dehors, il neigeait et l'on entendait à peine le bruit des ornières du chemin. Elle avait rejeté sa tête en arrière, son visage dissimulé dans un vaste châle de haute laine moirée et avec une détermination et une force sans commune mesure avec son apparente fragilité, tirant ma tête à elle par les cheveux, elle m'avait agenouillé entre ses genoux. Ainsi, littéralement plongé dans une féerie de soie et de broderies immaculées, moi, le petit page bêgue et boiteux, je dus pendant tout ce fabuleux voyage, contraint aux conditions d'un inconfort extrême, embrasser, laper, ce que, jusqu'à ce jour, personne n'avait approché, si ce n'est d'imagination. ous arrivâmes à un poste. Le postillon cria quelque chose comme : si Madame le désire, elle pourra prendre quelque repos; nous n'allons pas changer les bêtes, les nôtres sont incomparablement sûres. Quand elles auront soufflé, nous repartirons. Alors, elle parut émerger d'un univers mental étrange, où j'étais à la fois présent et accessoire, ouvrit son châle de haute laine moirée, me montra un regard clair où le plaisir ne semblait décidé à capituler ni devant la rumeur publique, ni devant la pudeur, et m'ayant aidé à me relever, s'agenouilla à ma place, libéra mon sexe, le caressa longuement, comme s'il se fut agi d'un oiseau tombé du nid, l'effleura de ses lèvres et de la langue puis, soudain boudeuse, se retourna, se lova contre moi. Je l'entendis encore pleurer, prier peut-être.