Je ne suis pas sûr, tous les matins, que Dieu existe (je le souhaite); en tous cas, j'ai parfois l'immodeste impression qu'il veille sur moi et sur mon itinéraire. Les Poètes ne sont-ils pas, y compris et peut-être à commencer par les plus acharnés à le nier, ses interprètes les plus attentifs et les plus fidèles? Les gardiens de ses fabuleux jardins? Qui célèbre la nature mieux que le poète, qui appelle, chante l'amour et la fraternité mieux que le poète? Et ce verbe, qui fut au commencement, et ce verbe fait chair, qui en tire la meilleure part, qui s'emploie à lui donner la parole juste et harmonieuse, à le perpétuer, à l'approfondir, à le renouveler, alors que bruissent dans la cité, les mécanismes du profit, alors que petits et grands, persuadés -les stupides- que le temps n'est que de l'argent, chacun en fonction de ses aptitudes et de sa position, s'employant à des tâches qui du point de vue des statistiques, à 80 pour cent, ont pour unique objet la consolidation de leur position matérielle? Il est des hommes et des femmes, apparemment semblables aux autres, qui ajustent et liment des phrases que personne, peut-être, ne lira -l'un parle d'une fleur, l'autre d'un oiseau, celui-ci de son amour pour celle-là, celle-là vilipende la guerre, un autre encore, sur qui veille Stéphane Mallarmé, a entrepris d'offrir au verbe de nouvelles saisons et de nouveaux territoires, par des agencements inaccoutumés, activité qui ne lui attirera vraisemblablement que mépris et incompréhension.


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