François de Malherbe

(1555-1628)

On a dit de nos jours avec un grain de malice et un coin de vérité : «La poésie française, au temps de Henri IV, était comme une demoiselle de trente ans qui avait déjà manqué deux ou trois mariages, lorsque, pour ne pas rester fille, elle se décida à faire un mariage de raison avec M. Malherbe, lequel avait la cinquantaine.» Mais ce ne fut pas seulement un mariage de raison que la poésie française contracta alors avec Malherbe, ce fut un mariage d'honneur. Elle trouvait un honnête homme et sensé, et qui, s'il ne lui donna pas tous les agréments, la mit hors d'état désormais de déchoir et l'ennoblit.

Nous ne connaissons Malherbe que déjà gris et ridé, dans sa verte vieillesse. A en juger par ce qu'on a dit de lui, on croirait qu'il a eu de la jeunesse à peine ; il en a eu pourtant, et il l'a sentie. N'est-ce pas lui qui a fait ces vers délicieux qui expriment comme dans un regret rapide et sobre les premières grâces de la vie :

Tout le plaisir des jours est en leurs matinées;
La nuit est déjà proche à qui passe midi.

Il y a quelquefois chez Malherbe une grâce fine et rare qui, au milieu de cette hauteur et de cette roideur lyrique, a tout son prix.

Sainte-Beuve, Les Causeries du Lundi

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