Essence musicale de mes vers inutiles,
qui me donnera de te trouver comme chose par moi créée,
sans rester éternellement face au Bureau de Tabac d'en face,
foulant aux pieds la conscience d'exister,
comme un tapis où s'empêtre un ivrogne,
comme un paillasson que les romanichels ont volé et qui ne valait pas deux sous.

Mais le patron du Bureau de Tabac est arrivé à la porte, et à la porte il s'est arrêté.
Je le regarde avec le malaise d'un demi-torticolis
et avec le malaise d'une âme brumeuse à demi.
Il mourra, et je mourrai.
Il laissera son enseigne, et moi des vers.
A un moment donné mourra également l'enseigne, et
mourront également les vers de leur côté.
Après un certain délai mourra la rue où était l'enseigne,
ainsi que la langue dans laquelle les vers furent écrits.
Ensuite mourra la planète tournante où tout cela est arrivé.
En d'autres satellites d'autres systèmes cosmiques, quelque chose
de semblable à des humains
continuera à faire des espèces de vers et à vivre derrière des manières d'enseignes,
toujours une chose en face d'une autre,
toujours une chose aussi inutile qu'une autre,
toujours une chose aussi stupide que le réel,
toujours le mystère au fond aussi certain que le sommeil du mystère de la surface,
toujours cela ou autre chose, ou bien ni une chose ni l'autre.