Tout donc évolua jusqu'ici, sauf la Poésie. Oui, tous ont progressé, le juge, le marchand, le mécanicien, le médecin, le philosophe, le chimiste, le physicien, tous ont progressé, mais le rapsode et l'aède psalmodient toujours Au Clair de la Lune et La Marseillaise, ignorant qu'une lente succession d'efforts, expansionnant d'âge en âge l'énergie poétique, l'eût rendue capable de splendeurs progressivement lointaines. Comprendront-ils enfin que la Poésie peut devenir davantage que l'indicatrice de la Science et qu'elle est la Science elle-même dans son initialité ? Signaler n'est-ce pas découvrir ?
Poètes, la poésie s'étiole de fabriquer des chaussons de lisière, fussent-ils de vair ou de diamant.
Elargissez donc le cercle. Même si ce cercle petit est cependant assez grand pour se confondre avec celui du globe, petit lui-même, eh bien ! élargissez-le jusqu'à ce qu'il enserre l'éternité.
Pour servir l'humanité, sourire ou pleurer sur la terre et dans l'heure présente ne suffit point, au poète de creuser plus bas ou de s'élancer plus haut avec la volonté de revenir chargé d'inattendues trouvailles susceptibles d'enorgueillir le monde.