La vieillerie poétique avait une bonne part dans mon alchimie du verbe. Je m'habituai à l'hallucination simple: je voyais très franchement une mosquée à la place d'une usine, une école de tambours faite par des anges, des calèches sur les routes du ciel, un salon au fond d'un lac; les monstres, les mystères; un titre de vaudeville dressait des épouvantes devant moi.
Puis j'expliquai mes sophismes magiques avec l'hallucination des mots! Je finis par trouver sacré le désordre de mon esprit. J'étais oisif, en proie à une lourde fièvre: j'enviais la félicité des bêtes, - les chenilles, qui représentent l'innocence des limbes, les taupes, le sommeil de la virginité! Mon caractère s'aigrissait. Je disais adieu au monde dans d'espèces de romances:

 

Qu'il vienne, qu'il vienne,
Le temps dont on s'éprenne.

J'ai tant fait patience
Qu'à jamais j'oublie.
Craintes et souffrances

Aux cieux sont parties.
Et la soif malsaine
Obscurcit mes veines.

Qu'il vienne, qu'il vienne.
Le temps dont on s'éprenne.

Ainsi la prairie
À l'oubli livrée,
Grandie, et fleurie

D'encens et d'ivraie,
Au bourdon farouche
De cent sales mouches.

Qu'il vienne, qu'il vienne,
Le temps dont on s'éprenne