Nous sommes tous les fils de Victor Hugo, qui est le frère d'Homère, d'Omar Khâyyam, de Dante, de Shakespeare et de Goethe, le grand arbre de notre culture et de notre sensibilité.

Dès ma petite enfance, Victor Hugo joua pour moi un rôle essentiel. L'un de mes oncles, professeur de lettres à l'École Normale, qui était en voie de perdre la vue, me priait de me placer derrière son fauteuil et de lui lire des passages de ses auteurs préférés. Bien qu'il eût la délicatesse de ne point établir de hiérarchies dans ses amours littéraires ou poétiques, très vite il m'apparut que Hugo occupait une place de choix, pour ne pas dire à part, dans un univers dont cet oncle me fit partager la connaissance et la passion. Hugo, qui puise si profondément ses racines dans notre identité culturelle, est certainement l'auteur français dont la dimension universelle est la plus solidement établie. La légende, qui généralement simplifie et déforme, avec lui n'a jamais su où donner de la tête. Quel Hugo doit-elle privilégier? Pour ma part, je lui voue un culte global, que j'ai tenté de faire partager, dans le cadre de mes émissions poétiques à la radio et à la télévision, ou encore au Club des Poètes, où depuis bientôt un quart de siècle, Hugo a toujours eu sa place, dans nos programmes.Mais comment ne pas se perdre dans cet univers? L'abondance et la diversité du génie de Hugo et sans doute une certaine facilité à laquelle il s'abandonna quelquefois, sont des éléments qui comptèrent pour beaucoup dans les injustes et puériles tentatives de rejet dont Hugo fut victime. En son temps, j'ai été profondément choqué par la réplique d'André Gide, qui, à la question "Quel est, selon vous, le plus grand poète français ?" répondit
Victor Hugo, hélas!.