Rabindranath Tagore
a quitté notre planète en 1941.
Selon la tradition, son corps est parti en cendres et son âme en
fumée. Quelque trois mois plus tôt, son 80ème anniversaire
avait été pour l'Inde ce que furent les funérailles
de Victor Hugo en France : une apothéose.
Il est rare qu'en un lieu et un temps donnés, un poète soit
le porte-parole de son peuple. Il faut que les circonstances s'y prêtent
et que le génie parle. A sa naissance, son père déclara
magnifiquement: « Il s'appelera Robindra, le soleil. Comme lui, il ira
par le monde et le monde sera illuminé ». En fait, si Tagore
fut un grand voyageur, c'est le monde qui vint à lui. Pour nous,
Français, il n'est pas indifférent qu'il ait été
reconnu et aidé par des hommes comme Sylvain Lévi, Albert Kahn,
André Gide (qui le traduisit) et surtout Romain Rolland. Universel,
il le fut d'abord par le prodigieux eclectisme de son activité puisqu'il
fut philosophe et critique, dramaturge et comédien, romancier et
poète, en tout cent vingt volumes. Il laissera en outre deux mille
chansons et trois mille peintures ou dessins et fondera l'université
libre de Cantiniketan, lieu de liberté et de joie au sein « de
la grande fraternité des arbres ». Pour nous, il est avant tout
le poète qui, au matin de l'opération qui devait lui être
fatale, dicte son dernier poème.
Raymond VEISSEYRE |
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