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nuit, ma grande fille noire, qui saura dire combien de fois
tu pleuras sous ton oreiller, et le souci que te vaut la légère moisson des
enfants qui reposent dans ta main.
h nuit, tandis que la vie multiforme, au ciel, sur
terre et dans les eaux, ralentit son souffle,
qui saura dire l'amour dans ton grand oeil.
Un écureuil rêve. Quelques petits êtres se retournent sous les feuilles,
la grande fourmilière est immobile, à peine perçoit-on les pulsations de son
immense coeur.
h nuit ! Agenouillée et impuissante à contenir le pas
des assassins,
qui rampent à ras les étoiles, et plongent leurs stylets dans les entrailles
des endormis.
Oh nuit, lorsque viendra le jour bonhomme, et qu'enfin tu pourras t'aller
reposer,
lesquels d'entre nous retrouveras-tu à pétrir la journée nouvelle ?...
Nuit, ma belle veuve, ma grande fille noire.
Nuit, ma Nuit.
J'ai revêtu ce soir, mes ombres chinoises les plus précieuses, pour te rendre
hommage.
Je t'offre les cris d'amour qu'éparpillent les chats dans ta chevelure. Les
maraudes du solano. Les amours nocturnes des romanichels dans les foins, Et
tous les feux des vers luisants.
Nuit! Ma grande fille noire, protège le roulier qui passe et le voleur de
bon motif.
Nuit, mon ardente gitane.