Je suis vraiment très désolée . . .
J'écris ce poème avec des
larmes violettes, la couleur des
fleurs du printemps, courant
sur mon visage. Vous m'avez
dit que je devais écrire moins de poèmes.

Je suis vraiment très désolée, mais
c'est comme si vous m'aviez demandé de
ne plus respirer, de ne plus parler, de ne plus voir, de ne
plus chanter jamais. La poèsie, c'est un boulot.
Ça continue jusqu'à la fin du monde. Comme
poète, je peux écouter au ciel quand il
me parle. Je peux comprendre le
soleil quand il crie près de mon visage.

C'est la qualité de la vie qui compte.
Je ne veux pas devenir une femme qui est
"solide," ou "responsable." Je veux
qu'on dise que je suis orange parsemée de
jaune, et que j'ai des fleurs noirs comme
cheveux et que mes jambes sont comme
les pilons d'un poulet. Mais souvenez-vous
que je serai invisible. Vous avez décrit, parfaitement,
ce que je ferai dans l'avenir. Je vais
tourner les yeux des arbres, je vais donner
un coeur aux nuages, mes larmes vont être
vides et sêches. Ce n'est pas du tout un signe
de tristesse si on écrit la poèsie. Probablement,
c'est nous qui sommes plus heureux--bien sûr, nous sommes
trop heureux de temps en temps, mais c'est nous qui
gardons la folie, la colère, la joie et l'inquiétude.

Pour moi, il y a des sommets et des précipices,
mais rien ne peut me sauver -

Sauf moi-même. Chaque fois que j'écris, je
me sauve. Je réchauffe le feu de mon âme. Je suis
nulle dans ce monde sans ma poésie. Ce n'est pas
une question de bonheur, mais une question
de liberté d'être libre en soi-même.

Je serai libre. Même si je dois le payer par mes cris,
mes larmes, mes désespoirs,
je mourrai libre. Et j'espère que mon travail aidera
quelqu'un qui a crié comme moi, quelqu'un
qui a crée comme moi, ou seulement un agneau perdu
dans ce monde gris qui a besoin d'une âme soeur.
Mais ce sont mes espoirs. Maintenant, j'espère que
je peux survivre cette nuit, cette semaine -- je marche
pas à pas, lentement, en voyant le beau cirque du monde.
Ne vous inquiètez pas. Je suis très heureuse d'écouter vos discours,
mais je veux que vous sachiez qu' écrire de la poèsie est un besoin
qui commence aux orteils, qui inonde le coeur, et qui ne s'arrête jamais.

Dawn, 4 avril 1996