Dès que j'aurai prononcé le mot,les yeux des survivants se retourneront dans leurs orbites et chacun de ces hommes et chacune de ces femmes regardera en face le fond de son sort. Abîme de lumière ! Obscurité souffrante ! Dès que j'aurai fermé la bouche, leurs yeux se retourneront vers le monde, chargés de la lumière centrale, et ils verront que le dehors est à l'image du dedans, Ils seront rois, elles seront reines, ils se verront les uns les autres, chacun tout seul comme le soleil est seul, mais tous éclairés par le feu d'une solitude unique au-dedans, comme au-dehors par le feu d'un soleil unique.
Mais je rêve et je cède à l'espoir trop facile.
Plutôt, sans doute ils diront : Ce fou, il est temps qu'on le pende. Cette bouche inutile, il est temps qu'on la ferme. Ou peut-être encore diront-ils :
Ses paroles ne sont pas des paroles de paix, ce ne sont pas des paroles faciles à entendre. Ce sont des paroles de démon. Il n'est que temps qu'on le pende. Et de toute façon je serai pendu. Eh bien, je leur dirai :
Vous n'avez pas beaucoup plus longtemps à vivre que moi.
Je meurs aujourd'hui, vous la semaine prochaine.
Et notre misère est la même et notre grandeur est la même.
Mais ils croiront que ce sont des paroles de haine. Ces malheureux sont tellement sûrs d'être immortels !
Et de toute façon je serai pendu.

Que leur dirai-je ?