| Ou bien ils diraient :
Il veut nous
arracher à la paix de nos coeurs,
à
notre seul refuge en ces temps de malheur. Il veut mettre le doute
déchirant dans nos têtes, alors que le fouet de l'envahisseur
nous déchire déjà la peau. Ce ne sont pas des paroles
de paix, ce ne sont pas des paroles faciles à entendre.
Pendez, pendez ce malfaiteur !
Et de toute façon je serai pendu.
Que leur dirai-je?
Le soleil se levait
avec des bruits de bottes. Il fut mené, les
dents serrées, vers la potence. Devant lui ses frères,
derrière lui ses bourreaux. Il se disait en lui-même :
Voici donc mon
premier et mon dernier poème. Un mot à dire,
simple comme d'ouvrir les yeux. Mais ce mot me mange du ventre à la
tête, je voudrais m'ouvrir du ventre à la tête et leur
montrer le mot que je renferme. Mais s'il faut le faire passer par ma bouche,
comment en franchira-t-il l'orifice étroit, ce mot qui me remplit?
Alors il se tut une
première fois : sa bouche garda le silence.
Une deuxième fois il se tut : son coeur se ferma. Une troisième
fois il se tut : tout son corps devint comme un roc silencieux.
(Il était comme un rocher blanc, comme la statue d'un bélier
devant un troupeau de moutons endormis ; et derrière lui les loups
ricanaient déjà.)
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