On entendit des bruits de baïonnettes et d'éperons. Le
délai accordé prenait fin. Sur son cou le poète sentit
le chatouillement du chanvre et au creux de l'estomac la patte griffue de
la mort. Et alors, au dernier moment, la parole éclata par sa bouche,
vociférant :
Aux armes ! A vos fourches, à vos couteaux, Mais ce fut son premier et son dernier poème. Le peuple était déjà bien trop terrorisé. Et pour avoir trop balancé pendant sa vie, le poète se balance encore après sa mort. Car c'est souvent le sort, ou le tort des poètes, de parler trop tard, ou trop tôt.
René Daumal, In
Contre-Ciel, Poésie Gallimard |