Je tiens André FRÉDERIQUE pour le meilleur poète de l'humour qui ait appartenu -quoique sur le tard, eu égard à son âge- au mouvement surréaliste et j'ai, par les moyens de la radio, de la télévision et du spectacle, tout mis en oeuvre pour faire partager le plus largement possible l'admiration boulimique que je voue à ce rigolo qui avait une sainte horreur, si je puis m'exprimer de la sorte, de tout ce qui ressemble à l'admiration, à la considération, et à la consécration, du moins appliquées à ses pompes et à ses oeuvres. J'ajoute que l'accueil enthousiaste des téléspectateurs et auditeurs qui suivirent les émissions que je lui ai consacrées (les jeunes de 16 à 20 ans, en particulier, m'adressèrent des milliers de lettres pour savoir où ils pourraient se procurer les oeuvres d'André Frédérique), dépassa toutes mes espérances.
André Frédérique, qui d'ailleurs ne le fréquenta que très peu, appréciait beaucoup Raymond Queneau. D'un certain point de vue, voire de plusieurs, les ayant bien connus l'un et l'autre, je suis fondé à penser qu'ils étaient quelque peu frères. Par comble de délicatesse et d'esprit de contradiction, au physique, André Frédérique ressemblait, les jours fastes à un clerc de notaire, et les jours néfastes, carrément à un notaire de province qui aurait eu des relations dans la capitale.


Délaissant sa pharmacie fantaisiste, André Frédérique devait à la protection de Gaston Bonheur -lequel avait publié ses premiers poèmes dans sa revue poétique "Saisons" et dirigeait la rédaction de Paris-Match- de tenir chaque semaine dans ce magazine une rubrique "Arts et Lettres", d'un niveau et d'une qualité qui ont complètement disparu des publications de ce type. J'ai connu André Frédérique peu après la Libération, par l'intermédiaire d'Eric Bromberger, camarade de résistance (Vercors). A l'époque nous nous rencontrions fréquemment avec Guillaume Hanoteau, rue Pierre Charon, à La Belle Ferronnière, café-restaurant que Frédérique ne désignait jamais autrement que "la mangeoire et l'abreuvoir" où, à deux pas de la rédaction, se retrouvaient les journalistes de Match.

Pourquoi le cacherais-je, il m'advint, outre le plaisir de passer un moment avec Frédérique, Bromberger, Hanoteau et quelques muses, d'apprécier aussi l'occasion de faire un repas conséquent (à cette étape de ma vie, mes moyens ne me le permettaient pas tous les jours.). En 1954, alors que "Le treizième apôtre", mon premier livre publié chez Gallimard, venait de paraître, je présentai à André Frédérique Evelyne, une jeune et charmante anglaise, ma secrétaire du moment. C'est pour elle, ou à propos d'elle (Comment dire?) qu'André Frédérique mit un terme à sa vie. Le destin des poètes, est-il besoin de le souligner, est souvent habité de circonstances aggravantes.

Jean-Pierre Rosnay

Repères bibliographiques

André Frédérique

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