REPONSE D'UN OFFICIER SUPERIEUR
A UN IMPORTUN

Monsieur,

Que vous ayez fait votre service comme brancardier de 2ème Classe, à la seizième section, alors que j'étais général, commandant la région, ne vous autorise pas à employer ce style, d'une familiarité excessive, dans les lettres que vous ne cessez de m'envoyer depuis près d'un mois, pour m'inviter à dîner, avec la générale, dans votre "petit bouchon de la Marne", comme vous dites.

J'admets qu'agissant sans réfléchir, vous n'ayez mesuré le fossé qui nous sépare, et qu'à force de travail vous parviendrez peut-être à combler, j'ai été colonel, moi aussi, toutes choses égales d'ailleurs. Vous comprendrez sans peine que si je devais accepter les invitations de tous ceux que j'ai eu sous mes ordres, mon temps n'y suffirait pas.

Bien que vous alléguiez que, du fait de ma retraite et de la petite fortune qui vous échoit, nos situations matérielles soient sensiblement égales, n'oubliez pas que, dans la nation, nos rôles demeureraient malgré tout assez distincts, en cas de menace dirigée contre notre territoire.

J'ignore qui vous a mis en tête que nos épouses pourraient se voir et... copiner! Cette expression revient deux ou trois fois sous votre plume. Là-dessus je suis au regret de ne vous laisser aucun espoir. La Générale, née Henriette Fronsac de Kergarec, n'ayant aucun désir de se faire de nouvelles relations.

Continuez donc d'être un bon citoyen, sans me tenir rigueur de cette franchise toute militaire.

En vous demandant de ne pas persister à m'écrire,

Croyez en mon affection de père et d'Officier Supérieur.

Général Comte Henri Gignoux de la Blatte Portière

André Frédérique