L'autre moitié m'écoute,
dévorant, chantant, volant dans sa pureté
comme les enfants des conciergeries
qui portent de fragiles baguettes
dans les trous où s'oxydent
les antennes des insectes.
Cc n'est pas l'enfer, c'est la rue.
Cc n'est pas la mort, c'est la boutique de fruits.
il y a un monde de fleuves brisés et dé distances insaisissables
dans la petite patte de ce chat, cassée par l'automobile,
et j'entends le chant du lombric
dans le coeur de maintes fillettes.
Oxyde, ferment, terre secouée.
Terre toi-même qui nages dans les nombres de l'officine.
Que vais-je faire : mettre en ordre les paysages ?
Mettre en ordre les amours qui sont ensuite photographies,
qui sont ensuite morceaux de bois et bouffées de sang?
Non, non ; je dénonce,
je dénonce la conjuration
de ces officines désertes
qui n'annoncent pas à la radio les agonies,
qui effacent les programmes de la forêt,
et je m'offre à être mangé par les vaches étripées
quand leurs cris emplissent la vallée
où l'Hudson s'enivre d'huile.

La otra mitad me escucha
devorando, cantando, volando en su pureza,
como los niños de las porterías
que llevan frágiles palitos
a los huecos donde se oxidan
las antenas de los insectos.
No es el infierno, es la calle.
No es la muerte, es la tienda de frutas.
Hay un mundo de ríos quebrados y distancias
inasibles
en la patita de ese gato quebrada por el automóvil,
y yo oigo el canto de la lombriz
en el corazón de muchas niñas.
Oxido, fermento, tierra estremecida.
Tierra tú mismo que nadas por los números de la
oficina.
Qué voy a hacer, ordenar los paisajes?
Ordenar los amores que luego son fotografías,
que luego son pedazos de madera y bocanadas de
sangre?
No, no; yo denuncio.
Yo denuncio la conjura
de estas desiertas oficinas
que no radian las agonías,
que borran los programas de la selva,
y me ofrezco a ser comido por las vacas estrujadas
cuando sus gritos llenan el valle
donde el Hudson se emborracha con aceite.

Federico
Garcia-Lorca

Le Poète
à New York
traduction
Pierre Darmangeat