J'ai connu l'existence de Gilbert Langevin le jour de son décés. Ce poète a marqué l'histoire du Quebec par son radicalisme en faveur de la cause souverainiste. Je l'apprends également dans les journaux le jour de son décés. Langevin s'est laissé mourir disait-on. Il est mort seul, avec son désespoir. Il est allé jusqu'au bout de sa plume et a entièrement consacré sa vie a l'écriture poetique. Or j'ai decidé d'aller rendre hommage à un homme qu'il me restait à connaître. Je me suis rendu au salon funéraire où je fus le premier arrivé. Il est 13h30. Son frère est là, serein, et la tombe ouverte de Langevin au fond du salon. Son frère me salue, on se sert la main. Il me demande: -"Vous étiez un ami de Gilbert?..."
-"Si on veut oui, depuis hier. C'est la première fois que je le vois aujourd'hui, il est beau"
-"C'était un grand homme. Spécial surtout. On l'a retrouvé étendu dans sa petite chambre louée. Il ne mangeait plus depuis quelques semaine. On l'a hospitalisé et on a du lui faire une opération... son estomac et ses intestins ne fonctionnaient plus. On lui a posé un sac. Et ça le rendait trés honteux. Il m'a alors dit: "si je mange, le sac se remplit et j'ai pas envie de voir le sac la se remplir. Alors je vais mourir." Et il s'est laissé mourir. C'etait un homme fier et un bon diable."

J'ai regardé le visage de Langevin un instant. Et je me suis demandé pourquoi, moi qui ose écrivailler et qui suis rongé par la la passion de la poésie année aprés année, je n'avais pas connu cet homme. Pourquoi! Un sentiment de culpabilité me fit jurer que désormais, j'allais faire connaître Gilbert Langevin dans mon pays et ailleurs dans le monde.

J'ai acheté tout ce que j'ai pu trouver sur lui. Je n'ai pas encore tout, mais ca s'en vient. J'ai lu sa poésie d'acharné. J'ai un peu mieux compris l'homme. Et surtout, j'ai su qu'il a vécu uniquement pour son art. Il a vécu en solitaire. Il a vécu au crochet des infimes bourses du gouvernement et il fut misérable jusqu'au jour de sa mort.

Aux funérailles de Gilbert, dans une église sur la rue St-Joseph, tous ses amis y étaient. Moi, son nouvel ami du jour, me suis assis en retrait et j'ai regardé ce qu'ils avaient à dire. Pauline Julien, Gaston Miron, Dan Bigras... Ils ont chanté sa poésie, ils l'ont lu et ils lui ont rendu un dernier hommage comme jamais je n'avais vu. Il n'y a pas eu de messe, car c'était le souhait de Gilbert. Mais il y eut des fruits pour toutes les ouïes et des larmes sucrées pour tous. C'est difficile a decrire, mais c'était tellement beau.

J'aurais aimé le connaître.

Martin Page (Québéc)

Cet article a été publié dans la revue "Vivre en Poésie"

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