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Dans un XXème siècle, qui n'est pas spécialement placé sous le signe de la poésie, Nazim Hikmet fut à son pays ce qu'au XIXème siècle Victor Hugo fut au nôtre. Le nom de Nazim Hikmet s'impose naturellement à quiconque évoque la Turquie, encore qu'il fut particulièrement maltraité par «son pays», condamné à mort en 1932, pour avoir osé proclamer son attachement au progrès et à la justice - condamnation qui, fort heureusement, suite aux réactions et pressions internationales, fut commuée en une peine de 35 ans de prison. Atteint d'une angine de poitrine, il fut libéré au bout de dix-huit ans, après une grève de la faim qui l'avait conduit aux limites de la résistance humaine et s'exila en juin 1951.
Durant l'errance de son exil, on retrouve Nazim Hikmet à Moscou (où dans sa jeunesse il avait rencontré Maïakovski) à Pékin, à Cuba, à Prague où il fut célébré aux côtés de Pablo Neruda. A Paris, il retrouva ses amis Eluard et Aragon, Paris où en 1951, Tristan Tzara avait présenté son recueil Poèmes et où, en 1957 il avait signé "C'est un dur métier que l'exil", Paris qu'il célébra dans "Paris ma rose" en 1961. C'est à Moscou qu'il mourut, en juin 1963.
L'ambition de Nazim Hikmet était de participer à l'élaboration d'un monde nouveau où chacun pût vivre dans la dignité. Toute la vie et l'oeuvre de Nazim sont imprégnées de la sueur et des larmes des hommes privés de liberté et de justice et des sourires de son fils, Mehmet, qui n'en finit pas de faire ses premiers pas dans ma tête. Ecrivant ces lignes, rendu à celle que vous lisez à cet instant, je m'aperçus que (sans préméditation), j'avais traité avec quelque familiarité Nazim Hikmet, en l'appelant par son prénom, comme si nous avions joué à la marelle ensemble. C'est, n'en doutez point, parce que je crois dur comme fer (comme dit l'adage) que Nazim Hikmet était et demeure le frère de tous les poètes et de tous ceux pour qui amour, paix, joie, sont à partager avec ferveur. Quant à la poésie de l'auteur de l'inoubliable Lettre d'Istambul prêtée à Munver, elle a naturellement la forme de son coeur. Elle est, comme Paul Eluard souhaitait que fût la poésie, faite avec des mots de tous les jours, simple, de cette simplicité évangélique qui n'est à la portée que des meilleurs, vivante, vigoureuse, limpide comme eau de source.
Jean-Pierre Rosnay
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