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Gbog,
France, 10 juin 2001
Une fille
entreprit un garçon. Elle fit tout pour qu'il la voit. Changea
ses chaussures, colora sa tenue, montra ses genoux. Elle mit des lunettes,
puis des lentilles bleues. Elle se croyait laide, elle le fût.
Elle faisait peur d'avoir peur de faire peur. Elle sombra, mutila
ses cheveux, fracassa le miroir, insulta son père et enfin,
elle maudit sa mère. Quelque part, loin de là, quelqu'un
prononça le vrai nom d'Allah.
Aux creux d'une montagne, près d'un torrent auquel jamais homme
ne bût, dans les herbes piquantes et le treillis des ronces,
luisant de sang, de sueur et de soleil, deux étalons fauves
et fantastiques se battaient à mort. Deux bouches de cauchemar
barrées par l'étau des dents se cherchaient dans une
cacophonie de coups de sabots. Deux souffleries de forge en surchauffe,
deux énormes corps tabassant le sol se jetaient l'un sur l'autre
avec des yeux furieux et terrifiés. Le combat dura sept nuits
et sept jours. Le septième jour, les mouches se cachèrent
du soleil, le torrent s'effaça, sur des cous lacérés
deux hideuses têtes de gargouilles portaient un cri qu'on entendait
plus. Les croupes et les flancs moussaient de sueur, de terre et de
sang. Deux étalons se battaient de puis sept jours et sept
nuits. Le coup mortel fut porté. Une bête s'affaissa.
Quelque part, loin de là, quelqu'un prononça le vrai
nom d'Allah.
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Yehoshua
Ra'hamim Dufour, Israël, 10 juin 2001
Vos lumières
artificielles
Les
noirs tunnels gaspillent notre temps.
Les fluides filent sous le regard des chats
vers les seins-phares qui polissent la nuit.
C'est d'un baiser que tu espères
entre les herses.
Tu entends
le grand-père qui fend les allumettes
sur la toile de la cuisine. La poussière
du charbon s'enfonce dans nos rêves.
Une étoile s'endort sur la toile cirée.
Il suffira d'attendre.
Quoi ?
Le large
dos des chevaux roux berce
les regards des enfants
quand les roues crissent de rire
dans les champs.
La corde
des rênes glisse sur nos jambes.
Où va le temps
d'odeurs en odeurs ?
Où vont les pas de mes chevaux
qui font résonner la terre jusqu'aux
peurs des hommes noirs qui labourent les roches
au fond des galeries agacées
du sommeil de nos champs.
Et par
quelle folie des hommes
descendez-vous sous nos tombes ?
Vous mourrez tous de poussière,
dans vos lumières artificielles de terre,
aveugles.
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Karl,
Québec, le 7 juin 2001
Nous
nous sommes aimés si longtemps
Avons partagé le même hasard
Vécu les mêmes solitudes
Toi et moi
Nous
avons souffert ensemble
Malgré toutes les beautés du monde
Nous avons pleuré, aussi
Toi et moi
Et maintenant,
à nos trente ans
Nous voilà grands d'avoir grandi ensemble
D'avoir souffert et de s'être aimés
Toi et moi
Bientôt,
nous vieillirons encore
Pas à pas, innocents et frêles
Nous attendrons encore les moments
Qui nous font ensemble
Toi et moi
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Chabot
Barbara, France, le 7 juin 2001
LA PLUIE
La pluie
tombe sans fin
Le long des feuilles
Et moi je la cueille
Au creux de mes mains
Lorsque
le soleil illumine
Ces morceaux de cristal
De jolies couleurs fines
S'échappent telles des étoiles
La pluie
est une source de vie
Un moment de joie infini
Un rêve éveillé
Une raison d'espérer
La pluie
est la vie
La vie est la pluie
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Taleb-Hacine,
Algérie, le 7 juin 2001
Vertige.
Le temps
suspendu à ton souffle,
mes mains caressent ton argile et redessinent ton corps,
moi, la mémoire pour ultime refuge,
le masque de la raison et l'âme libertine,
je puise dans le jade de tes yeux
cette lueur exquise d'un coeur si tendre,
et les lèvres dans la sève de tes vingt ans,
je défie dieu et que m'importent les saisons!
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Guillaume
MAISON, France, le 7 juin 2001
T'en
souvient-il
De ce premier Amour ?
T'en souvient-il
De ces beaux jours ?
De cette jeunesse
Que rien ne blesse ?
T'en
souvient-il
De ces mots dans l'oreille,
De tous nos babils,
Doux comme le miel des abeilles ?
T'en
souvient-il
De ces avenirs enchantés,
Rêvés à Minuit pile,
Tous les deux allongés ?
T'en
souvient-il
De ces promesses
Faites pour l'éternité
A chacune de nos caresses ?
T'en
souvient-il
De tous ces enfants
Dont nous parlions tant,
Un, dix ou mille ?
T'en
souvient-il
De cette vieillesse
Ensemble dans la ville,
D'Amour et de tendresse ?
T'en
souvient-il,
Tendre Amour,
De cette idylle
Pour le reste de nos jours ?
T'en
souvient-il,
Dis moi,
T'en souvient-il
Parfois ?
-
Michel
Langlois, Québec Canada, le 6 juin 2001
CETTE
DOUCEUR DE VIVRE
comme
un nuage arrêté sur la route
le chemin de mes songes saccroche
aux odeurs de cendre et de terre
en ce temps de misère et de larmes abondantes
mes souvenirs tristes transportent avec eux
les espoirs vains des hier
jaimerais
étendre mes mains
contre la peau lisse des hêtres
courir au petit matin hors de moi-même
cheveux au vent
les berges généreuses et toutes neuves
cette
heure ouvrirait la mémoire
mapprendrait où se cache la perfection des agates
les sables qui érigent tous les châteaux
étincelles
crépitantes de soleil à mes yeux
douceur triste et voluptueuse par où la vie chemine
le passé sévacue dans un bruissement soudain de
lumière
je suis à deux doigts de connaître les secrets
qui font la vie si belle
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Denis
Morine, France, le 6 juin 2001
Tu hésites parfois face à l'horizon, les mains vides
de mots:
ils sont partis ailleurs réjouir une autre terre
ou trahir une cause lointaine,qui sait...
Toi,tu t'essouffles à les regarder s'effacer,
les mains crispés sur d'autres vides.
Tes yeux se brouillent à trop vouloir regarder les sillons
de ta vie.
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Claire,
France, le 5 juin 2001
VOIX
HUMAINES
Chants:
Lumières révélant
L'ambre intérieur de nos paupières,
La lave qui nous dirige
Et dont nous négligeons
Le grondement.
Voix
humaines,
Portées,travaillées
Par ceux qui fidèlement servent
L'intensité du cri;
Orfèvres,
De ce qui nous ressemble,
Nous rassemble tous.
Emotion,
Douleur,
Appel de celui
Qui tombe au fond du trou
Et de celui qui cherche.
Voix
d'ombre insistant
Au dessus des tombes,
Appelant encore dans le crépuscule,
Repoussant pour un moment la nuit.
Voix
d'hommes saturées de leur propre puissance,
Noires comme le jais,
Chaudes comme les mains;
Voix de femmes éclatantes,
Subtiles comme le rire doux de l'accouchée.
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Suzanne,
France, le 5 juin 2001
Amours
grisaille
La brume
etait tiède et j'ai ouvert ma veste
et ta main s'y est hissée
comme il faisait boueux j'ai abandonné
mes chaussures
là où elles étaient alitées
et tes mains sous chacun de mes pas
ont placé un nid.
Tu me suivais avec des jambes effarees
mais quel oiseau as-tu entendu chanter
dans le creux de notre lit imberbe?
Comme
il pleuvait tu as défait ma ceinture
et j'ai suivi les gouttes
qui embrassaient chacun de tes cheveux
et celles qui sans savoir
traçaient sur ton dos la route
de tant de caravanes.
Parcourant
certains méandres à l'odeur de fer
entre mes hanches
et la rainure de mon dos
nous avons dormi jusqu'à la rivière
jusqu'au bruissement des eaux.
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Natacha
Quester-Séméon, France, le 2 juin 2001
Je vous
écris pour vous transmettre une invitation électronique,
nous avons lancé début mai, un forum consacré
à la condition humaine à l'heure de la
télé-prison, et qui s'intéresse en particulier
à la résistance poétique.
Peut-être que des poètes présent sur la toile,
seraient sensibles à cette démarche ?
Humainement
vôtre,
Natacha Quester-Séméon (Les Humains Associés)
Dossier
: http://www.cyberhumanisme.org/matiere/cauchemar.html
Guide de ressources : http://www.cyberhumanisme.org/matiere/cauchemar.html#liens
Forum : http://www.humains-associes.org/forum/
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Ange
Bradd, France, le 2 juin 2001
Mise
au point
Au moment
où la nuit a fini son voyage,
Un coq insomniaque a salué le jour,
La fraîcheur du matin m'a redonné courage,
Pour recueillir chez toi les doux fruits de l'amour.
Comme
ces libellules, éphémères fragiles,
Qui caressent , le soir, la surface des eaux,
Mes mains t'effleureront en messagères habiles,
Engendrant ces frissons qui ondulent ta peau.
Indolente,
tu as, laissé traîner ton corps,
Et ces parfums spécieux qui me redonnent vie,
Je m'approche et prend feu en arrivant au port,
Et j'entends tes soupirs, musique de la nuit.
De caresses
sublimes en baisers enfièvrés,
De frissons interdits en subtils mélanges,
De passion égoïste en plaisir partagé
Nous étions à la fois des démons et des anges.
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Roseau,
France, le 2 juin 2001
Escalade
Ne pas lâcher et ne pas se crisper.
Allier la force et la souplesse.
Ce qui me frappe chez l'homme qui escalade,
C'est qu'il s'élève par les fissures,
Les grosses failles ou les minuscules...
Que ses yeux ont appris à percer.
La surface
lisse importe peu,
A moins qu'il s'agisse d'un replat
Où l'on peut souffler un moment.
Quand il faudra repartir,
Les yeux, les pieds, les mains
Chercheront la fissure
Pour un nouveau basculement.
D'équilibre
en équilibre,
toujours avoir 3 points fixes
Et surtout ne pas lâcher prise.
Escalader,
parfois
C'est un plaisir
Et parfois, c'est vital.
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Josef
Bakou, Allemagne, le 2 juin 2001
Alors vous chuchotez
Elles se comptent sur le bout des doigts
Tout au cours d'une vie.
Elles sont nuits
Mais blanches.
Elles vous tiennent compagnie.
Elles
commencent vers le soir.
C'est un pont
Mais personne n'y danse
Que la flamme d'une bougie.
Elles
commencent quelque part
Où il n'y a plus de fenêtres
Plus de murs
Plus de ville
Plus de quartier.
Les mots
Provoquent l'avalanche.
Alors vous chuchotez.
Et elles
ne sont
Sur aucun calendrier.