Nota
Bene : Tous les messages sont lus chaque jour par nous et
mis en ligne ici, avant la sélection hebdomadaire que vous
lirez ci-après.
Exceptionnellement, nous n'avons cette semaine sélectionné
qu'un seul poème, non pas qu'il n'y ait pas eu d'autres poèmes
touchants ou intéressants, mais le poème qui suit nous a
semblé devoir être particulièrement remarqué.
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Etudes
amniotiques, 1er juin 2003, par En delà ...
Etudes
amniotiques
En sourdine, le silence
...
Patience dans la voie qui se trace sur l'impatience,
Où chaque seconde tisse l' écrue d'un chiffon étale.
Sans le moindre faux-pli, de soi.
...
Je m'en crierai le mal
A marcher, en épierrer les drailles
Sauter plus haut, taper plus fort
Désapprendre la pitié et le remords.
Arrache ce col,
Embielle et avale ce ruban noir,
Lascif comme un dessous sur une promesse.
Le dernier kilomètre est celui des brumes sombres
Que l'on arrache de devant les yeux qui crépitent,
Le pneu qui brûle,
La cuisse qui se soude sous le fer,
J'ai mal.
Mais c'est mon Jack, et mon Daniels, mon Johnny,
Et ma goutte, Walker.
Ma sueur mes larmes mon cri jamais étouffé,
De reins qui hurlent à la masse du sang.
...
Un dos c'est une ville,
Savoir ces escaliers qui crient
Ces bagarres dans les étages,
Entre les placettes où les enfants jouent,
Jusque tard le soir.
Sous la nuque je rêve d'un soleil.
Un dos
Une coupe de chaleur
Consentie entre les grains de sable
Sueur sieste perle, sillage de gouttes
Où des lèvres viennent s'abreuver de sel
...
De sel, d'acide, de feu dans les yeux
Crevé.
Au fond de l'effort,
Une fatigue d'écurie,
Un sommeil de paille,
Mais un sommeil lent,
Eludant l'abstinence.
...
Il dort.
...
Ils ont des trois faubourgs évité la ceinture.
Nomades tôt sortis du sérail en une ligne soigneuse
De bats harnachés, les outres humides encore,
D' eaux attendues, lourdes et latentes.
Sur la dalle du reg à la grande netteté
Elle va l'amble, vers de houleuses barkhanes.
Chaque sommité chamaillée par le vent
Ménage sa surprise d'ombre aux premières pâleurs.
Il s'est levé orgueilleusement sur la fin de la nuit
A chassé les bêtes arqueboutées,
Enflé les tentes à en casser sec toutes lanières.
Et s'envolent les toiles par les visages de l'attente
Ou étais-ce mon rêve,
Ou ne les ai-je simplement pas entendus partir
Me laissant seul au pied de la gorge, au lit sec.
Un torrent de cailloux vanne de fines particules
Argilier sous une promesse d'orage,
Léchant le pied de l'arbre.
Tronc contraint, par la roche et le roc,
Aux tournures de veines noires et sans frayeurs,
Ensevelies sous la prière.
Là les eaux perdues laisseront leurs empreintes,
Flots et tumultes dilatant les berges,
Et l'air s'arrache des gorges, galets charriés vers la mer
dans un même
flux et reflux.
Loin le feu martèle sur les tempes ses bruits de forge
La sueur y ruisselle, rejoint la boue qui miroite dans les creux.
Se séparent terres et eaux de leur violence contenue.
Demain l'oued laissera sur la roche tendre
Son lac asséché d'efflorescences salines
Etrangement peu à peu les enclumes se taisent
Dans un silence ou l'assouvi et l'inassouvi s'apprêtent à
se dire
Dans un combat sans lendemain
...
J'ai remonté le cours de la rivière où l'eau
se joue entre les pierres
blanches (c'est une passe discrète où les courants se
serrent et
desserrent ; y viennent frayer les truites à l'abri des pêcheurs),
défrichant le souvenir de très vieux chemins, oubliant
ma chemise
d'entre moi et la lumière du vent, le reste d'entre mon sexe
et la
pierre, comme sur une tombe tiède. Y viendra la chaleur ? Y
viendra le
froid ? Et le vacarme des chutes couvrira celui des tempes.
...
Pêche,
Soupir flottant à la surface du courant
Dont elle prend le frais avant de l'offrir.
Peau hostile, noyau inhospitalier
Seule la chair se donne.
Lait plat et opaque
Rêvant une profondeur de dôme sous une peau qui s'épaissit,
Gelée souple,
Sans charnière, sans clé,
Et pourtant porte du désir.
Olivier, arbre de paix.
Tranquille celui qui dans la patience de la saison
Taille ses branches pour le cingle des hirondelles
Et douce est l'huile, au geste calme et lent
De la mélopée d'éminences, de la digitale rengaine
...
Carbonise l'innocence, la fausse pureté
carbonise l'obsolescence,
les pieux forcenés,
les oeillères comme les deux mains,
les hiers comme les demains
- les rougeurs adolescentes, et les auréoles jaunies,
percées aux coeurs si-bleus,
des très vieilles ecchymoses.
Carbonise l'indécence,
l'enferme, et la libère d'incandescence
où la marge livre, une veine, argentée.
"Sainte Barbe, ce lourd piétinement dans la mine"
Qui a mis aux âmes en poudre
Ce feu qui défouraille, déflagre et détonne.
...
Laisse venir
Les anches qui roulent,
Les peaux qui résonnent
Les cordes qui s'étranglent
Au rythme rauque de la dé-cadence haletée.
Laisse venir sous la soie
L'orragie d'argent à l'âme imprudente,
Où se dévisagent face à face
Le ciel et l'en dedans.
Ouvre les yeux, sur la résille de l'être.
Par là, où je croyais tenir debout si haut en moi l'animal
Là où tout se lie et se détend, l'élan
et l'équilibre
Fourche d' où le dos se tend comme la corde d'un arc,
Faiblesse et force affrontées
Se détachent, ensemble roulent.
Et je flanche.
...
Renaître une harpe,
Et les blanches s'égrènent, sans folie dispersées
Accrochant au passage de tympaniques sifflements.
...
Source, pluie, nuage,
Toutes frayeurs oubliées dans un frissonnement qui coule et
coule le
long du long de moi
Sa laitance d'amande douce.
Sortir de soi ce qui reste à inventer.
Je parlerai à la terre de l'étang des orages
Du temps des partages.
Et par les cordes tues
Mes eaux semées au sol
Hurleront leur contenu du talon dans le sable grave.
Source, pluie, nuage,
Trempé il vient fraîchir mes paupières alourdies
Poches creuses
Clés de la nuit, monnaie du jour
Feuilles noircies ramassées sur des chemins adolescents.
Il me fallait lire ce trajet dans l'eau
Source dans la source.
Quelle lumière y avait-il en cette volute blanche
Combien de marbres d'Italie, figés dans la pierre
De strophes et de visages brûlés par ce feu de paille.
Un seul enfant à naître en ce torrent d'âmes mortes
innées
...
Fusil calme les chiens endormis,
Dans le creux des oreilles,
Mains pâles, tremblantes à même le sol
Aime le Sol Si Mi d'une Alina oscillante,
Entre la naissance oubliée et l'éveil requis
Prélude au miroir, loin dans le miroir
Si loin dans la mémoire.
Mais tu es là, toi,
Qui danse encore en riant
Sur le fil entre mes poignets tendu.
Jamais
Qu'en ce jour de froid, loin déjà,
Qu'en ce moment de partage,
Où comme ces enfants nés qu'on immerge à nouveau
J'ai gardé les yeux grands ouverts,
Ecarquillés sur un ciel, morcelé,
Par le fin réseau d'une branche de hêtre.
Tous nerfs coupés que ceux de mes yeux
tous m'entends-tu-
Qui écrivaient sur le bleu
Les tessons de ton nom.
Jamais trahie.
Jamais, m'entends-tu, jamais.
...
Devenir, c'est réinventer chaque jour
L' hier qui n'avait pas encore pu exister
Entendre la mémoire, toute la mémoire
Comme une dalle utile et lourde
Qu'il faut soulever de toutes ses forces
Pour que s'échappent les vapeurs de vie dissoute qu'elle recouvre
Et la laisser enfin se fracasser sur le révolu.
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