Nota
Bene : Tous les messages sont lus chaque jour par nous et
mis en ligne ici, avant la sélection hebdomadaire que vous
lirez ci-après.
[Enfin nous avons trouvé le temps de mettre en page un nouveau forum. Nous ne sommes revenus que sur les poèmes que vous nous avez envoyés durant les dix derniers jours, mais nous proposerons dans le prochain forum une sélection de ceux que vous avez écrits durant les quelques jours qui font le lien avec le forum précédent. Mille excuses pour notre retard)
- A Marnick, par Bernard, Lundi 26 janvier 2004
REUNION
Je dors sur un volcan à l'ombre d'un jacquier. J'ai sous la tête des feuilles de banane et sur la langue le goût du massalé.
Quand mes regards t'enlacent, mes yeux te déshabillent, et tu es île nue, amande verte sur l'océan obscure de mes envies.
Tu es le sable noir de la mer et tu me berces, mon île de tortues, aux lèvres ocres de tes rivages.
Tu es la case de mes rêves au sol de terre battue et au toit de bardeaux. Sur ta varangue blanche, tu brodes la dentelle de Cilaos. Quand je parle seul, c'est à toi que je parle, l'oreille à l'affût de ton accent noiraud.
Mes mains se perdent à voyager aux flancs de tes collines où pousse le poivre rose qui fleurit sur tes seins. Quand tes pieds nus m'attirent aux raidillons de tes montagnes au nom du frère d'Assise ou du Brûlé, j'oublis la mer qui t'accompagne et cette lave qui fait rougir l'obscurité. Tu es le fruit de la colère d'un feu caché au fond de l'océan. Tu es la terre de braise, l'amante multicolore de Poséidon.
Mon île femme, au Voile de mariée, tu es aussi fougère sous mes pieds. Aussi noire que l'ébène, aussi douce qu'un pagne, aussi vrai que je t'aime quand je pénètre en toi, tu es le corps chaud de mon enfance,les cuisses café au lait de mes premiers désirs, la forêt noire de mes premier baisers.
J'ai toujours envie de toi, ma fleur rouge des tropiques. Tes cheveux crépus me caressent et tes fleurs de canne sont des jambes de soie emprisonnées de nacre. J'ai encore dans la bouche ta langue de vanille ; sur ma peau, la respiration de tes cils chinois, quand tu te couches nue indienne, et te réveille métisse contre moi. Tu m'offres en cadeau le safran de tes seins et tes cuisses de cuivre deviennent lianes sur mes reins.
Sur mes lèvres d'enfant, le goût acide d'une mangue verte prend la couleur rouge d'une blessure de piment. Tu es le feu, tu es la fête, et sur ton coeur qui bat, j'écoute le temps vivre au rythme des ségas. Je ne sais plus qui tu es, Mascareigne ou Apolline, fleur de Lys de Bourbon ou bleu blanc rouge Réunion.
Avec toi, terre et ciel se confondent quand tu meures étouffée dans les bras d'un cyclone qui cache sa violence sous le nom d'une femme pour mieux te tromper.
Loin de toi aujourd'hui, c'est la neige qui tombe sur les rêves d'une saison que tu ne connais pas. Quand j'entends ton cri dans la nuit, j'ai sur le corps l'empreinte créole de tes doigts ; quand à l'aube tu t'enfuis, je reste riche des souvenirs de Saint François.
-
Ciel du Dimanche, lundi 26 janvier 2004 par Roland
Couchée a plein ventre
à l'ombre de l'ombre
je fixe le ciel sous les étoiles brillantes
je vois des images
qui donnent frissons aux veines de mon coeur
je tiens la racine d'une fleur
et la plante a pleine profondeur
espérant qu'elle renaitra
avec ce peu de salive.
- Dimanche 25 janvier 2004, 21h02 par Marnick
Je veux te chanter mon île
Je veux te parler du jour
Oû tu m'as donné la vie
Du ventre d'un volcan endormi.
Terre lointaine vomie des profondeurs de l'océan
Terre giflée par les rafales du mauvais temps
Ruisselante sous le grain des cyclones
Tu te pares alors d'un voile de mariée
Longue traîne d'écume blanche, depuis la cime des pitons
Tu dégoulines douce et coléreuse jusqu'aux rouleaux de la mer déchaînée.
Je veux bousculer tes odeurs
Je veux sublimer tes beautés
Toi qui m'as donné mon cirque, un jardin d'abondance
Où abriter mes joues rouges d'adolescente !
Terre calcinée d'un volcan coléreux
Terre grillée aux senteurs de café
De ton ventre s'envole la liane d'orchidée aux gousses de vanille
Entrailles rocailleuses d'où émerge la racine tortueuse du gingembre
La patate douce luisante de miel et le manioc poudré de sucre
Les doigts jaunis d'avoir moulu le rhizome du safran.
Je veux décrocher les noix de coco à la brise du matin
Je veux dévorer tes bananes mignonnes sans penser au régime
Mangue verte tartinée de pate de piment
Mangue murie et ses fils entre les dents.
Terre de l'arbre à pain fruit nourrissant pour toi aux pieds enchaînés
Terre d'eau sucrée où ont macéré les grains noirs de tamarin
Croulante sous les cascades de bougainvillers
Tu t'ennorgueillis de l'ibiscus écarlate
Accroché aux cheveux des belles métisses
Laissant dans leur sillage des essences de géranium et de vétiver.
Je veux la douce Victoria, ananas délicat sous sa couronne d'épine
Je veux tes bibasses liées d'un fil de chocas, étalage de colle-pistache
Des petits blancs des hauts de Peterboth au Bras de Benjoin
Sans oublier la pinte de goyaviers et la bouteille de vin de pays.
Terre de séga, subtil déhanchement sous les robes des filles
Terre de maloya, virevoltes enchaînées venues d'Afrique
Noël flamboyant de ton arbre symbolique
Aux grappes rouges des letchis s'entrechoque le doré des longanies
Macatia et boule de riz chauffé des matins studieux
Le sucre de la canne dégouline de nos mentons d'enfants.
Réunion de la fillette jadis aux joues gonflées de mille grapilles
Fenêtre ouverte sur mon ciel gris de femme aujourd'hui
Je reviendrai, le teint ridé, les joues creuses et les mains vides
M'assoupir au creux de tes gorges distendues de filtres de jouvence.
-
Decubitus, samedi 24 janvier 2004 par Hadrien
Obstinément
je m'appliquerai à reproduire
les mouvements de la nage
La mer me tient oblique sur le coeur
(dunes grandies de sables irrédents)
le soleil défléchit les lignes à l'horizon
- la pomme, samedi 24 janvier 2004 par Patti
La petite chose bedonnante qui a le goût du bonheur. Pas du grand mais celui modeste, peut-être trop exigé. On flâne à la tripoter, à la chatouiller. On lui sourit puis on la croque, on la léche et la suce jusqu'à ce que la dent rencontre le goût du pépin amer.
C'est la fin de la gaudriole. On la délaisse alors, comme on renonce à un amour inopiné.
- Maître, le Vendredi 23 janvier 2004 par Said SAlem
Un tablier blanc
parsemé d'étoiles
un bout de craie
mêlée de cristal
le maître gesticule
derrière une ombre
farouche et rebelle
mots muets tombés
en perles sur les ardoises
noyés au fond des coeurs
un fleuve de larmes
coule en parole libre
sur ce tableau vert
au secret des songes
silence au murs lézardés
répond aux pensées fertiles
dont cet enfant du ciel
dessine un oiseau
perché sur un arbre
chantant cet amour
sous cet arc-en-ciel
où les fées jouent à la marelle
sur le balcon des horizons
avec ces ombres pendues aux étoiles
lointaines aux arômes des nostalgies
le chant des pertes sur les rivages
où l'âme noble des poètes
brille en lumière d'espoir
sourire au dents vertige cet idéal à la main
regard lointain poursuivant la lune
au front bandé d'un diadème au métaphores
dansant en compagnie de poissons et mouettes
pour rendre hommage à notre maître
qui se consume en flamme pour nous éclairer
ce chemin menant au vallon des muses ...
-
1.5, le mercredi 21 janvier 2004 par Treeevor
Eclaboussé d'air - Un champ vert - Loin comme mer -
Verte écume - Dépôt de bruine - Eclaboussé d'air éclaboussé d'eau - Un champ vert - Portant figé en l'onde - Animal de proue - Cheval de chair -
Impassible - Le regard haut - Animal sous les eaux - Laisse l'océan le temps - Et filer les passent les passants - Voit naviguer vie - Et couler l'instant - Laisse le temps croire - Courir jusqu'à demain - Et les gouttes - S'écraser comme le doute -
- Deuil , mercredi 21 janvier 2004 par Elisabeth Villez
Sur la photo,
Il y a le père,
Il y a la mère
Et puis l'enfant qui n'est pas né.
S'il te plaît, dessine-moi,
A dit l'enfant qui n'est pas né
Alors, maladroits, attentifs
Ils ont tenté
D'esquisser ce qui n'a pas été.
C'est un dessin à la plume.
-
Les Amoureux, samedi 24 janvier 2004 par Olivier
Les amoureux, c'est quand on s'aime,
On sème une fleur dans la savane
Pour lier à nos soupirs
La mémoire d'un doux sourire.
Quand on est amoureux,
On ne dit pas non,
Ou alors le nom de sa compagne.
On se suspend dans un regard
Comme à un croissant de lune.
Parfois nos gestes sont ridicules,
Comme s'ils baignaient dans un miel de chimères
Et on serait la marionnette
attachée à des fils
Qui nous emmêlent les pensées.
- L'odorat, mardi 20 janvier 2004 par Amnesiac
L'eau d'or a l'odeur, à
L'aube de mes nuits,
A peine plus évanouie
Qu'un souffle qui apeura
La flamme de la bougie.
...
Elle coule et serpente
Entre les effluves ambrées.
Vues de ma chambrée
Elles semblent indolentes,
Observées du grenier
...
Elles paraissent meurtrières.
Et l'onde dans sa chute évaporée
N'a plus rien du fleuve doré
Qui dans mes souvenirs, encore hier,
Laissait entre deux clapotis ombrés
...
Un parfum proche de celui
Que ma charmante porte
Ces soirs de lune morte,
Quand les étoiles fuient
Et que les fragrances sortent.
- Volupté, mardi 20 janvier 2004, par Laudith
Pétales de rose sont tes lèvres
Où un baiser vient ségarer
Tu tabandonnes dans la fièvre
Dun lit défait, de draps froissés
Sur ton corps nu dansent des frissons
Tes reins cambrés sont en attentent
De caresses faites de passion
Dune possession imminente
Ton souffle se fait haletant
La moiteur envahie ta peau
Lorsque tu reçois le prèsent
De la semence de ton beau
Comme un petit chat tu tétires
Tu ronronnes à son oreille
De ton cur séchappe un soupir
Qui te plonge dans un sommeil
- Nous, mardi 20 janvier 2004 par Karl
nous sommes aux heures tardives
chaque fois, on touche du bois pour aboutir
aux dernières lignes avant la nuit
nous sommes des gens presque heureux
selon le jour et les signes
selon l'humeur du temps
tantôt nous ressemblerons à ceux-là
qui ont déjà passé la nuit
nous n'avons plus le choix maintenant
notre parcours nocturne est en montée
l'idée d'une rapace
se cramponne aux faisceaux d'espérer
je ne sais pas si tu vois le jour
cette terre-perspective
cette abolition des références
nous en sommes là.
- Mardi 20 janvier 2004 par Romain
semblable passéiste
police réfractaire
adam pessimiste
créature partant en guerre
art urbain
écrits censurés
joussance du malin
vie faussée
grâce fémine
belle passionnée
seul être véritable
seul peuple à aimer
-
Je rêve en silence, mardi 20 janvier 2004 par Yxel
j'écris sur le cahier jaune des vitres
je puise à la rivière l'eau du silence
je chausse ce soir tes sabots sur la grève
j'éloigne les mots étonnés de ta fenêtre
xxxx
aujourd'hui mes valises de coeur respirent
un caillou se pose au vent de la neige
les feuilles dansent aux lèvres des songes
un fruit se greffe aux paupières de l'été
xxx
l'haleine traverse les orages de ta voix
le bouquet de l'aube s'éveille dans tes yeux
la guerre des enfants réveillent ma colère
la fourrure d'hiver recoiffe mon oiseau
xx
j'éclaire ton chemin
je gonfle ton coeur
j'apprivoise la mer
je rêve en silence ...
- L'Or Noir, dimanche 18 janvier 2004 par TOMA
Les yeux du Primitif sculptaient des idoles riches,
des formes misent en scène,
en écorce de terre.
Cétait de la terre pure,
de la terre imagée vibrant desprits-symboles,
c'était de la terre pleine croissant les Mondes.
Les yeux du Primitif miroitaient de Puissance.
Cétait une vie tendue,
à l'affût des points clairs qui transpercent la chaire,
une vie dissimulée dans les courants-Mystères et les processions d'âme que l'on retrouve un peu dans la puissante iris de certains fauves urbains,
mais sans plus aucun mythe au dessous des variantes.
Je dis,
le passé des tribus revécu par le Mythe,
misant sur le présent, sur-le-temps-revenu,
pour de nouveau fléchir le genoux du partage.
Je dis,
le passé revécu au rythme des tambours,
le passé des idoles aux formes devinées,
vibrant sous la main fraîche, sous le doigt souple et engagé,
la peau comme révélée aux endroits qui racontent,
et qui disent,
et jusque dans la chaire et la chaire qui palpite,
résonne et se confond
et qui découvre là un agrégat-substance,
une formule impromptue gisant comme sous la peau.
Le corps approuve la race que la Terre lui vendange
et l'Esprit récolté s'accompagne en émeute,
et le coup part,
et linsécurité fait parler la terreur à coup de « magie » blanche iophylisée.
-
Fou, dimanche 18 janvier 2004, par Mohammed SAFIR
Je suis fou,
Pourtant,
Ni la folie ne me suffit, ni le silence ne me soulage,
Je me suis endormi,
Pourtant,
Ni le sommeil ne me réconforte, ni le rêve ne me comble,
J'ai tout renié,
Pourtant,
Ni le savoir, ni les jours qui passent ne me donnent raison,
Je suis parti,
Chercher l'atome au fond des océans
O mère,
Pour quelle raison rôde tu autour de mes poèmes ?
Je t'implore, cesse,
Car tu sais bien que ma quête est vaine !
-
Lettre, samedi 17 janvier 2004 par Lucia Sotirova
Ce sera une lettre simple et vraie,
sans questions ni réponses,
car "Pour celui qui croit,
il n'existe pas de question
et pour celui qui ne croit pas,
il n'existe pas de réponse."(1)
C'est si beau de t'écrire tout simplement
et d'avoir confiance
dans l'harmonie des mots.
Je ne fais qu'écouter la voix du vent -
elle apporte à mes oreilles
le chant des feuillages,
le murmure de la pluie
et le rire des enfants :
ainsi je te parle.
J'apprends ton silence souterrain
et celui des cieux,
ton silence clair ou obscur -
c'est ton attente qui chante toujours
à travers cette étendue sans parole :
ainsi j'entends tes pensées
pour ôter leur fardeau.
Jusqu'aux sources du vent,
jusqu'au fond des abîmes,
jusqu'aux racines des eaux
ma mémoire tamise
la poussière blanche des jours
sous le ciel noir de la nuit -
c'est là que je t'écris.
Je t'ai rencontré sur mon chemin de nuages
et sur le chemin de terre dégélée,
sur un sentier perdu au coin d'un bois
et même quand mes pas ont été égarés.
Je t'ai croisé pour te perdre des yeux
au milieu de la foule indifférente.
Aujourd'hui je t'invente à nouveau
dans ma lettre simple et vraie
pour oublier le passé.
Je te crée et je crois en toi,
naïve ou sage,
sans demain ni souvenirs
et sans rien désirer.
Je ne suis qu'une pensée sauvage
aux pétales tremblantes
dans une saison étrange
où la chaleur et le froid
se mêlent, s'embrassent et se séparent
au seuil de l'été...
Je t'ai écrit une lettre simple et vraie
qui par la pluie de ton rire sera effacée.
1.Rav Wolfe
[Tout
en haut]
|