"Au coeur qui bat", pour lui dire qu'il n'est pas le seul
lundi 16 février 2004, par Bernard
Tout ce qu'il y a de silence
Dans un nuage qui passe,
Tout ce qu'il y a de chagrin
Dans l'orage qui vient !
J'ai caressé ton ombre
Les mains dans les étoiles
Et n'ai saisi que du vent.
Si j'ai suivi tes pieds d'argent
Sur les nuages de mon rêve,
Jamais je n'ai pu trouver ton chemin.
Oser tes lèvres, mais ce n'était qu'un rêve !
Je n'ai que ton silence pour demain.
II
J'ai hésité entre le jour et la nuit,
Le silence des arbres et le cri des oiseaux.
J'ai toujours hésité entre le feu et l'eau.
Un rêve m'accompagne à la tombée du jour.
Ta voix parfume mon sommeil.
La nuit sans toi est aveugle.
Ta main devient ma canne blanche,
Le grain de ta peau le braille de mes lèvres.
Je t'aime comme on aime le soleil
Sans jamais l'approcher
Et sans vraiment le voir.
Tu es mon cantique, ma sonate du soir,
Ma lumière invisible entre des cils noirs.
III
Tu es toujours mon manque, mon désir,
Île d'Eros, encore mystérieuse
A jamais inaccessible rocher.
A trop te rechercher,
J'ai fini par te perdre
Au beau milieu de l'océan.
A force de caresses
Que je n'ai pas données,
Mes mains se sont usées
Comme une pierre sous le vent.
J'écoute toujours à ta porte
Pour t'entendre m'appeler
Dans le chant de tes rêves.
S'il me faut la chair et le sang,
Les cailloux et la terre,
C'est pour mieux oublier
Que mon coeur est la serre
Où ta fleur a poussé.
IV
Je m'étends prés de toi
Sans jamais te le dire.
Tu t'endors dans mes bras
Sans même que je te touche.
L'épée de Tristan avive mon désir
Quand mon souffle sur ta tempe
Vient bercer tes cheveux.
Ma main sur ta joue
Est gantée de soleil
Mais tu ne la sens pas
Blottie dans ton sommeil.
C'est toujours ton âme que je bois
Quand j'effleure sur ta bouche
Tes songes silencieux.
V
Je parle ton langage,
Je connais ta grammaire,
Je sais les mots de ton voyage,
C'est le monde que je vois
Quand tu ouvres les yeux.
Je te suis pas à pas
Pour dissiper tes doutes
Et tes hésitations.
Je te tiens par la main
Pour te donner confiance.
Je regarde devant toi
Pour t'ouvrir l'horizon.
Tu prends en moi le rire.
De toi, je garde le silence.
VI
Je retrouve le froid des trottoirs,
La souffrance des rues
Quand ta lampe s'éteint
Derrière tes volets.
Je ne reste jamais loin de ta porte,
Muet comme un adolescent.
Je t'ai toujours parlé
Pour ne jamais rien dire,
Mais tu devinais tout
A la caresse du vent.
Des deux, c'est moi l'enfant perdu
Des larmes ou de la pluie.
VII
Je t'ai donné ma force
Et mon désir de vivre.
Tu restes le présent.
Je ne suis plus l'avenir.
Je ne suis que l'écorce
Où tu graves un sourire.
Tu retrouves le calme
Aux mots que je prononce.
Je ne suis que l'escale
Quand une tempête s'annonce.
Je suis le passé révolu,
Les heures oubliées.
Ma mémoire succombe
Et je me sens vieillir.
Je t'aime au prix fort
Car mon silence est d'or,
Et j'aurais tout perdu
Si je t'avais parlé.
Pour toi, j'ai enterré les mots
Au cimetière du silence
Et suis resté muet,
Mais je chante encore
Ton nom en secret
Sur des chemins de lune.
VIII
La pluie a cessé
Aux vitres de la nuit
Et le silence renaît.
J'emporte tes seins,
J'emporte ton corps
Et tes yeux dans mes yeux
Pour faire naître le jour.
Le bonheur, c'est toujours
Que tu vives, même absente,
Même bouche fermée.
Tu es encore l'obscurité
D'une ville qui dort
Mais je t'offre la lumière
D'une aube retrouvée.
Je veux que tes mains
Soient fleuries d'espérance,
Ôter de ta peau
L'épine des souffrances.
Quand tu seras seule,
Ma main tendue
Te redira je t'aime.
Je serai grain de blé
Lorsque tu auras faim.
Mon bras sur ton épaule
Te servira de laine.
Je sècherai tes larmes
Et tu n'auras plus froid.
Toi et moi, sans jamais se confondre,
Toujours deux différents
Pour toujours mieux se comprendre.
Je resterai ton ombre
Lorsque tu marcheras.
IX
Je ne regrette pas
Ce temps passé ensemble,
Cet espace entre nous
Qui rétrécissait peu à peu.
Nos lèvres auraient pu se toucher
Au hasard du mois d'août
Et nos mains se surprendre
Au soleil de juillet.
Je t'ai jadis accompagnée
Au mur de ton jardin
Et opposé un non à ton invitation.
L'audace m'a manqué depuis
Pour traverser ta rue.
La vie était passée déjà
Quand je t'ai reconnue.
L'automne était déjà venu,
Nous étions en novembre
Et je ne le savais pas.
Je t'ai tout dit pourtant
Avec les yeux de mon silence
Et j'ai chanté ton nom
Avec des mots d'enfant.
Ta bouche est restée close
Et le feu sous la cendre.
Tu sais bien que je t'aime
Même si je reste coi.
Je voulais vivre le présent
Sans chercher l'aventure.
Tu rêvais d'un futur
Mais je n'y étais pas.
Tu voulais mon silence
Et je voulais ton cri.
Tu as gagné :
Tu voulais le soleil
Et je t'offrais la nuit.
X
Je t'ai gardée
Comme un beau livre
Que je feuillette page à page
Lorsque le temps est à la pluie
Et que mon coeur est à l'orage.
Tu es venue. J'ai agrandi
Les murs de ma prison.
Tu m'as fait le cadeau
D'une enfance retrouvée.
Avec toi, j'ai réappris
Le sel des larmes
Et l'épine des roses.
Tu es toujours vivante.
Mon coeur est l'urne
Où ton sourire repose.